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21 October 2009

LA SCULPTURE DE L'EMELA N'TOUKA

Sculpture représentant un animal composite nommé Emela N'Touka. Cameroun 2005

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Copyright Michel Ballot

Voici publiées pour la première fois dans leur intégralité, les photos de la sculpture de l'Emela N'Touka, ramenée de la frontière entre la Centrafrique et le Cameroun en 2005 . Cette sculpture représente un animal composite connu pour habiter une large zone marécageuse et forestière s'étendant de l'est de la rivière Boumba au Cameroun jusque dans la région de la rivière Likouala aux Herbes au Congo Brazzaville.

Au Cameroun, les pygmées Baka identifient l'image du Triceratops ou du Styracosaurus à un animal qu'ils appellent Ngoubou ( nom donné aussi à l'hippopotame ), grand comme un boeuf mais ayant de une à quatre cornes sur le dessus du crâne, avec la particularité que le mâle adulte aurait une plus grande corne. Ngoubou habiterait les savanes le long des rivières Boumba et Sangha où on le connaît pour combattre les éléphants. Il est connu sous le nom d'Emela N'Touka, Emia - N'Touka, Aseka - Moke ou Ngamba - Namae dans la zone de la Likouala - aux - Herbes au sud du lac Télé au Congo. Dans la zone du Katanga en République Démocratique du Congo il est surnommé Chipekwé dans l'est frontalier avec l'Ouganda, appelé Irizima dans la zone du lac Edward où des rapports le mentionnant comme tuant les hippopotames et en Zambie dans la zone de Lupuala.
Ngoubou et Emela N'Touka sont certainement une même espèce confondue par la présence d'une où plusieurs cornes sur le haut de la tête : différenciation sexuelle, jeune - adulte, sont des facteurs à prendre en considération. Ces animaux ont certainement vécu jusqu'au milieu du XXème siècle mais survivent -ils encore ? S'agit - il d'une nouvelle espèce de rhinocéros ou d'une espèce à part entière ?
L'animal est mentionné pour la première fois en 1954 dans un article du journal Mammalia - Notes sur les mammifères de l'équateur africain: un rhinocéros de forêt- par Lucien Blancou. Il mentionne un animal vivant dans la région de la Likouala qui tue des éléphants et connu des habitants des localités d'Epena, Impfondo et Dongou. Sa taille dépasserait celle du buffle des forêts et serait considéré comme très dangereux par les pygmées. Dans cette dernière localité on rapporta à Lucien Blancou que l'un de ces animaux fût tué aux alentours de 1934 sur la rive gauche de l'Oubangui. Blancou a toujours pensé qu'il s'agissait d'un rhinocéros des forêts particulièrement agressif mais selon Roy Mackal le célèbre explorateur américain qui mit au grand jour dans les années 1980 la possible existence du Mokélé - Mbembé, l'animal en question pourrait être le survivant des dinosaures du groupe des céraptosiens qui étaient munis de cornes sur le crâne et sur la mâchoire supérieure ( Monoclonius, Tricératops, Styracosaurus ). Pour ma part, j'exclus cette hypothèse; il pourrrait s'agir d'un mammifère. . Il faut savoir que le rhinocéros possède une petite queue ainsi q'une corne faite de kératine ce qui ne semble pas le cas chez notre mystérieuse espèce.
A ce stade liminaire nous nous trouvons devant un animal hétéroclite muni d'une corne ou plusieurs cornes sur la tête, aussi gros qu'un hippopotame, rhinocéros de forêt agressif pour les uns, cératopsien relique pour les autres. Il pourrait aussi s'agir d'un rhinocéros à plaques de très grande taille comme on peut le suggérer suite au célèbre témoignage de Georges Trial au Gabon qu'il relate das son ouvrage : Dix ans de chasses au Gabon ( 1955 ). L'animal dont l'auteur donne une description très précise, pourrait se référer au rhinocéros évoqué par Lucien Blancou qui a démontré l'existence d'un rhinocéros forestier africain. L'éminent spécialiste supporte une thèse d'une forme pygmée ressemblant aux espèces des forêts denses et humides du sud - est asiatique mais qui n'aurait aucun rapport - surtout par la taille - avec celui mentionné par Trial. Blancou estime que le rhinocéros forestier nain serait venu de l'ouest du continent et prospéré dans une forêt dense humide très étendue par rapport à celle que nous connaissons aujourd'hui. La disparition de la forêt devenant inquiétante il se pourrait qu'un petit groupe survive encore où ait survécut jusqu'à une période récente. Et l'auteur de rappeler en 1963 que l'espèce habiterait des secteurs de forêts véritablement déserts d'hommes où les pygmées eux - mêmes refusent de s'aventurer. Nous pouvons exclure une confusion avec le véritable Mokélé - Mbembé qui possède un long cou et exclusivement cantonné aux zones des rivières. Que nous reste - t -il ? Un cératopsien relique. Le fait que l'animal en question possède une corne, voire deux ne signifie en rien qu'il puisse être apparenté à un cératopsien. Christian le Noêl parle de son côté du rhinocéros d'eau, qu'il assimile à notre Emela N'Touka où tueur d'éléphants. Lors de son exploration du lac Télé il a pu recueillir un certain nombre d'informations de ses guides Bomitabas. Ces derniers lui racontèrent que leurs parents avaient tué un de ces animaux - ils étaient deux - qu'ils étaient sombres de peau, portant une corne sur le nez, de la taille d'un hippopotame et s'attaquant aux éléphants. Ces propos furent confirmés par Jacques Mangin et que cette chasse avait du se situer entre 1958 - 1959.
Bien avant que je découvre cette sculpture la première découverte est celle que trouva Jean - Claude Kerhoas en 1997 à Lidjombo sur la frontière centrafricaine, donc exactement dans la même zone.
Cette sculpture ne s'apparente à rien de commun. La créature a bien une corne unique sur la tête, ses oreilles ressemblent à celles de l'éléphant... d'Asie, sa gueule armée d'une dentition digne d'un terrible prédateur, ressemblant à la gueule de Tricératops et sa lèvre préhensible à celle d'un rhinocéros noir. Les pattes puissantes pourraient têtre palmées et seraient un élément moteur à son adaptation aussi bien aquatique que terrestre.
Mes investigations lors d'une expédition en 2005 m'amenèrent à retrouver cette seconde sculpture quaqiment identique à la numéro 1. Elle se trouvait chez Monsieur et Madame Nemi qui habitent aujourd'hui dans les faubourgs de Yaoundé.
Nous sommes en présence de deux sculptures identiques, réalisées à des périodes différentes par des artistes différents ce qui laisserait supposer que l'animal est bien connu des populations locales.
Sur un plan ethnologique, il pourrait aussi s'agir d'un vecteur de transmission entre humains qui aurait une signification très précise dans les coutumes locales.
C'est dans le dossier du dragon africain les pièces les plus importantes démontrant peut -être la survivance récente d'un grand animal dans la zone transfrontalière Cameroun - Congo - République Centrafricaine. L'animal s'apparentrait à un rhinocéros possédant une longue corne effilée avec une agressivité sans égale vis à vis des autres espèces partageant son territoire. Sa taille serait inférieure à celle de l'éléphant de forêt, avec des pattes très grosses, une grande queue, une peau grise ou verdâtre, sans poils. Il aurait des moeurs semi - aquatiques, tuant les éléphants mais aussi les buffles, sans jamais les dévorer.
L'intégralité du texte peut être retrouvé dans le numéro 1 de la revue Cahiers Cryptozoologiques Africains de novembre - décembre 2007 - janvier 2008.






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